D’origine ivoirienne, Izabella Maya est juriste de formation. Seulement, elle a atterri dans le monde des arts par un heureux hasard de circonstance. Et depuis 10 ans, elle est actrice, comédienne et humoriste. Elle donne aussi des cours de théâtre et de cinéma à Paris en France où elle vit. Mais la jeune star a de la chance. En peu de temps, elle a déjà tourné aux côtés de grands noms du cinéma français comme Gérard Depardieu, Catherine Deneuve, Cécile de France… Le 24 juin prochain à l’Institut français de Côte d’Ivoire (IFCI), Izabella Maya donne rendez-vous au public de Côte d’Ivoire dans un seul-en-scène inédit. C’est un spectacle qu’elle a écrit elle-même et qui englobe plusieurs thématiques. Avant de monter sur la scène de l’ex-CCF au Plateau, elle s’est ouverte aux lecteurs de 7culture.ci.
. Comment la scène est arrivée dans ta vie ?
- Waouh ! C’est une longue histoire. A la base, je travaillais dans un cabinet d’avocats. J’ai une formation de juriste. Et pour mon anniversaire, mes amis étaient persuadés que j’étais comédienne et donc ils m’ont offert un stage dans une école de théâtre en 2011. C’est comme ça que tout a commencé. Je me suis retrouvée là-bas et j’ai fait le stage et après, j’ai pris une claque. Je suis tombée amoureuse du théâtre et du cinéma. A la fin du stage, j’ai décidé de laisser tomber le cabinet d’avocats pour devenir comédienne et en faire mon métier à temps complet.
. Et ça tient ?
- La preuve, ça fait 10 ans et je suis encore là ! (Rires)
. Tu seras en spectacle ce 24 juin à l’Institut français de Côte d’Ivoire dans une pièce intitulée ‘’Origine Non Contrôlée’’. C’est quoi exactement ?
- ‘’Origine Non Contrôlée’’ est un seul-en-scène. C’est mon spectacle que je joue pour la première fois en Côte d’Ivoire le 24 juin et je suis vraiment contente de le faire. La pièce parle du parcours d’une jeune fille qui quitte un point A à un point B. En occurrence ici, elle quitte la Côte d’Ivoire pour la France. Et elle se retrouve confrontée à des difficultés là-bas. Mais en même temps, malgré les difficultés, elle a un rêve dans la vie : devenir avocate. Donc, elle se dit que peu importe les difficultés, il faut qu’elle arrive à réaliser son rêve. Entre-temps, il y a le poids de la culture qui fait qu’on la sollicite beaucoup. Souvent quand on est en occident, les gens croient que la vie est facile, qu’on dort sous des draps d’euros… Ce qui n’est pas toujours évident. La jeune fille est tiraillée entre les difficultés de là-bas et la famille ici qui la sollicite tout le temps. Entre ces deux cultures, il y a ce rêve qu’elle veut réaliser qui est de devenir avocate.
. C’est quoi le format ? Un one-man-show ?
- C’est un seul-en-scène et ce n’est pas du stand up. Il dure 1h25.
. Qu’est-ce qui explique le choix de l’Institut français ?
- Je suis moi-même d’origine ivoirienne et j’ai envie de faire une tournée africaine. Et évidemment, il était important que le premier pays à visiter soit la Côte d’Ivoire pour avoir au moins, la validation de mes pères.
. Théâtre, cinéma, humour… C’est où tu te sens à l’aise ?
- Oh, tout est complémentaire pour moi. La relation avec le public est très importante pour moi. Le théâtre est sans filet. Il n’y a pas de ‘’on va couper, je vais aller voir mon texte’’, c’est du direct, du live. Et même si c’est le même spectacle, ce n’est pas le même public chaque soir. Et donc, c’est l’énergie du public qui nous porte et nous pousse quand on est au théâtre. Le cinéma, c’est différent. Mais ça reste gravé dans le temps. Pour moi, c’est deux entités qui se complètent.
. As-tu eu des modèles avant d’entrer dans ce métier ?
- Je dirai non car je me suis vraiment retrouvée là-dedans par hasard. Ce n’était pas du tout mon rêve. Ça m’est tombé dessus comme un coup de foudre. On dit souvent que le coup de foudre ne dure pas mais pour moi, ça dure puisque cela fait quand même une dizaine d’années. Et je crois qu’il va durer encore plus longtemps. Etant dans le milieu, je constate qu’il y a des gens qui sont des exemples pour nous. Et moi, j’ai eu la chance de travailler avec les grands comme Gérard Depardieu. Là, je joue dans un film qui est à l’affiche et qui s’intitule ‘’De son vivant’’ avec Catherine Deneuve, Cécile de France, Benoît Magimel… Le fait de travailler avec ces grosses pointures du cinéma est une joie immense.
. Est-ce une consécration ?
- Oh, pour moi, il n’y a pas de consécration car on ne finit pas d’apprendre. Et ce n’est pas parce qu’on joue avec un grand qu’on est soi-même grand. Il y a qu’on apprend aussi des plus jeunes. Pour moi, on apprend tout le temps. Même quand je donne des cours, j’apprends aussi de mes élèves. Ce n’est pas que moi qui leur donne.
. Tu as aussi joué dans la série ‘’Eki’’ qui donne le pouvoir aux femmes. Quel est ton sentiment ?
- Quand on m’a contactée pour faire ‘’Eki’’, il y a beaucoup de choses qui m’intéressaient dedans. C’était mon premier vrai projet cinéma sur le continent africain. Et puis c’était un thriller procédural. Ça me rappelle donc mon métier de base et me remettre dans la toge, c’était tout à fait génial ! Et je suis tout de suite tombée amoureuse du rôle de Jessica Obamba que j’interprète.
. C’était un rôle sur mesure ?
- (Rires). Je ressemble au personnage ? Pourquoi on me dit toujours que je ressemble à mon personnage ? (Rires). Je vais vous faire une confidence : initialement, ce n’était pas ce rôle qui était prévu pour moi. J’étais là pour le rôle de Vanessa. Et pendant que je parle avec le directeur de casting, il me dit qu’il pense que le rôle de Jessica me conviendrait le plus. Et je demande, c’est qui Jessica ? Et il me dit : ‘’Vous allez lire et vous allez savoir’’. Et quand je sortais des locaux, je croise la productrice et qui joue aussi Eki. Quand elle entre dans son bureau, elle fait savoir que moi, c’est Jessica.
. Vis-tu de ton art ?
- Oui !
. As-tu eu des difficultés quand tu commençais ?
- Toujours ! Tout début est difficile. Il faut aussi remettre qu’en général, les gens écrivent en fonction de leur environnement. Et c’est partout que c’est comme ça. Si on écrit des scenarii en Côte d’Ivoire, il n’y aura pas assez de rôles pour les Blancs. Puisque leur environnement proche, ce sont des Noirs. Là-bas aussi, c’est pareil. C’est ce qui fait que c’est assez difficile d’avoir certains rôles. Et on se bat pour ne pas avoir que des rôles stéréotypés. On se bat pour vraiment casser les codes. On incarne un personnage. Ce n‘est pas la couleur de peau qui incarne le personnage. Donc, on essaie de lutter contre ça. Sinon, au-delà de ça, tout va bien.
. Jusqu’où veux-tu aller dans le milieu ?
- Je suis déjà contente de vivre de mon métier. Même s’il y a des jours où je ne mange que des patates ou des pattes.
. … Parce que tu as envie de le faire ?
- Non, parce que c’est compliqué (Rires). Il y a des hauts et des bas. Il y a des périodes où on va être appelée tout le temps et il y en d’autres où ça va être un peu plus compliqué. C’est pour cela qu’il est bien d’avoir plusieurs cordes à son arc. Pas que le cinéma car il y a le théâtre aussi qui est important. Tant que je bosse, je suis vraiment contente.
. Y aura-t-il une suite à la série ‘’Eki’’ ?
- Je ne sais pas. (Rires).
. Comment es-tu arrivée en France ?
- J’y suis allée jeune pour des études. J’ai grandi en Bretagne.
. As-tu un conseil à donner aux jeunes qui aiment ce que tu fais ou qui souhaiteraient aller en France ?
- Déjà s’il y a des jeunes qui veulent faire le travail que je fais, il faut travailler. C’est important. Beaucoup de gens croient qu’être comédien, c’est quand on fait rire deux ou trois personnes. Non. C’est un métier. Est-ce qu’on peut tenir pendant 1h30 dans une salle à parler et à faire rire les gens ? Ça, c’est la vraie question. Et ce n’est pas parce que tu sais mettre un pansement que tu es un infirmier. A partir de là, c’est un vrai métier. Donc, il faut se former et il faut travailler. Pour les jeunes qui veulent aller là-bas, je ne peux pas empêcher les gens de faire ce qu’ils veulent. Toujours est-il qu’il faut voir le spectacle (Origine Non Contrôlée). En France, à mes heures perdues, je milite dans deux associations dont une d’aide aux migrants. Quand je discute avec eux, il y en a qui me disent : « si je savais que c’était comme ça, j’allais rester au pays ». On laisse chacun faire son expérience. Mais il est quand même important de faire comprendre aux gens qu’il n’y a pas forcément mieux ailleurs. Chacun construit son univers. On peut construire son paradis juste là où on est. Il suffit juste d’avoir la volonté.
. On se dit au revoir ?
- Oui mais avant, rendez-vous le 24 juin à 19h à l’Institut français. Je vais tout donner en tout cas. Je suis vraiment contente d’être là. Je remercie aussi l’institut français de m’avoir invitée.
Par Omar AK