Installé aux Etats-Unis depuis de nombreuses années, Jean-Louis Koula est un réalisateur ivoirien bien connu du monde du cinéma. Il s’était engagé à adapter au cinéma ‘’Les frasques d’Ebinto’’, le célèbre romain de son compatriote Amadou Koné. Mais le projet n’a pas abouti. Tentative d’explications dans l’entretien qui suit.
. Voilà plus de trois ans que vous avez lancé le premier clap de votre projet de film ‘’Les frasques d’Ebinto à Jacqueville. Puis plus de nouvelle.
- Merci de me donner l’opportunité de parler de ce projet qui m’était très cher. Voyez-vous, c’est vraiment avec beaucoup d’amertumes et de regrets que j’aborde chaque fois ce sujet.
. A ce point ! Que s’est-il donc passé ?
- Pour mieux exprimer mes sentiments, je vais vous donner une image. En effet, ce projet est pour moi comme une femme enceinte qui après avoir porté une grossesse pendant neuf mois avec beaucoup de difficultés, accouche au finish d’un mort-né. J’ai porté ce projet durant deux décennies pour au finish me le voir retirer.
. Pouvez-vous être plus clair ?
- En clair, depuis 2019, je me suis retiré de ce projet. J’ai rendu les droits du roman à l’auteur (Amadou Koné, ndlr) qui me l’avait réclamé
. Et quels en sont les raisons?
- Pour la simple raison que le projet a mis trop de temps pour se réaliser et l’auteur était l’objet de plusieurs sollicitations de producteurs qui voulaient réaliser ce projet.
. Mais qu’est-ce qui a bloqué concrètement la réalisation à votre niveau pourtant tout était bien parti avec le lancement en grandes pompes ?
- Il y a eu effectivement un problème de financement. Quand on lit le roman, l’histoire est très passionnante. Mais en dehors de l’histoire, moi, j’ai une autre vision. Je voulais en faire un film d’époque c’est-à-dire restituer le film dans la période des années 1970. Cela fait appel à des décors, des accessoires, de la coiffure et du mode vestimentaire de cette époque. Or, vous convenez avec moi que les lieux décrits dans le roman ont subi beaucoup de changement, le collège moderne de Grand-Bassam n’est plus le même avec des splits… La ville a changé. On ne peut pas poser la camera sans découvrir des antennes paraboliques etc.
. Mais vous pourriez contourner ces difficultés en faisant ce film au présent en l’adaptant à la réalité de nos jours…
- Oui on m’a proposé cela mais vous savez que je suis un grand nostalgique car l’histoire d’Ebinto est aussi mon histoire. C’était mes années collèges. En racontant cette histoire au présent, j’avais peur de me trouver dans des situations anachroniques.
. Je ne comprends pas…
- Voyez l’histoire d’Ebinto après le brevet. Il a été obligé de travailler pour s’occuper de la grossesse de Monique. Cela voudrait dire qu’il n’était plus mineur. Cela s’explique par le fait qu’à cette époque, on allait trop âgé à l’école. Si cela avait été au temps présent, Ebinto aurait au plus 16 ans avec le BEPC car de nos jours, les enfants vont à l’école trop jeunes.
. Mais vous saviez tout cela avant de choisir ce sujet. N’est-ce pas ?
- Oui en effet ! Mais le cinéma d’aujourd’hui fait intervenir l’informatique. Ne pouvant pas reconstruire les décors des années 1970, on peut faire intervenir l’informatique et cela coûte beaucoup d’argent. J’ai contacté un studio au Japon qui, à partir d’anciennes photos, pouvait réaliser cela. Mais il fallait trouver les moyens. C’est la raison qui a retardé la réalisation de ce projet.
. Et pourtant vous avez eu un apport financier du ministère de la culture et ce n’est pas un secret…
- Effectivement, la participation du ministère représentait 10% du budget mais je devais compter sur une production américaine qui devait prendre en compte 65% du projet.
. Mais, quel est alors le problème?
- Le problème, c’est que ce producteur s’est retiré à cause des nombreux reports à mon niveau.
. Et qu’est-ce qui expliquait ces reports?
- Cela était dû à de graves incompréhensions au niveau du décaissement des fonds au ministère de la culture. Nous avons passé la majeure partie du temps à régler des problèmes de procédure. Alors que le temps passait. Par exemple, on nous demandait de visionner les premières images avant décaissement de la 2e tranche qui devait nous permettre de financer le tournage. La première tranche décaissée ayant servi à la préparation, cela était impossible pour la simple raison qu’on n’avait pas tourné.
. Mais cela n’a pas fait l’objet d’un accord avant le début de la production?
- Vous avez, pour faire un film, il faut un dossier technique dans lequel on consigne le plan de financement qui mentionne tous les coproducteurs avec leur apport. Dans ce plan de financement, il est clairement inscrit l’apport du ministère et les chapitres à financer. Il est inscrit financement de la régie c’est-à-dire les salaires des techniciens ivoiriens, des comédiens, de la nourriture, l’hébergement, le transport, les décors… A partir de ce moment où le tournage commence, on ne peut pas l’arrêter pour attendre un décaissement qui prend parfois plusieurs mois. Bref, tout cela a eu pour conséquence, le retrait de mon partenaire et l’arrêt du projet.
. Aujourd’hui, quels sont vos projets immédiats ?
- Dans l’immédiat, je vais faire le point de la production et restituer le reste des fonds non utilisés pour la réalisation du film ‘’Les frasques d’Ebinto’’. Ensuite, je vais reprendre mon projet de long métrage ‘’La fille au diamant’’.
Par Omar AK