Lettre ouverte à Madame Françoise Remarck, ministre de la Culture et de la Francophonie de Côte d’Ivoire
Madame la Ministre,
Par la présente lettre ouverte, je me permets de vous adresser un appel solennel en faveur de la Renaissance culturelle de l’Afrique, conformément à la Charte de la Renaissance culturelle, adoptée par les chefs d’État africains le 24 janvier 2006, à Khartoum, au Soudan, et ratifiée par notre pays, la Côte d’Ivoire.
Cette Charte ambitionne de reconnecter notre continent à ses racines, de valoriser notre patrimoine et de permettre à l’Afrique de se relever des tragédies qui l’ont reléguée aux marges de l’histoire. La traite négrière, l’esclavage et la colonisation ont dénigré la culture africaine en la présentant comme barbare, alors qu’elle constitue la source même de la civilisation.
Face à ce constat, la Charte recommande, entre autres, l’enseignement de l’Histoire générale de l’Afrique. En collaboration avec l’UNESCO, l’Union africaine a entrepris la rédaction de cette histoire afin de combler l’ignorance persistante sur le passé du continent. Ce projet ambitieux, mené sur plus de 30 ans, a mobilisé plusieurs centaines de spécialistes issus de divers horizons.
Cependant, malgré cet engagement pris au plus haut niveau, nous constatons avec regret que sa mise en œuvre n’est pas effective. L’Afrique, berceau incontesté de l’humanité, a marqué de son empreinte les grandes civilisations antiques, notamment la civilisation gréco-romaine, socle de la culture occidentale. Pourtant, sa contribution essentielle à l’histoire universelle reste ignorée. Il est donc grand temps de reconnaître le rôle pionnier du continent africain dans le progrès de l’humanité et de mettre en lumière son influence déterminante sur le développement des autres sociétés.
Par conséquent, les journalistes culturels africains ont une fonction clé à assumer dans la réhabilitation et la valorisation de cet héritage. Leur tâche est de corriger les récits historiques biaisés en faisant ressortir la contribution primordiale de l’Afrique à l’histoire de l’humanité. À travers des articles, des reportages ou des documentaires, ils doivent rappeler que l’Afrique est le berceau de l’humanité, comme le confirment les découvertes scientifiques et archéologiques, et mettre en avant son apport à l’émergence des savoirs fondamentaux.
Toutefois, pour mener à bien cette mission, ces acteurs doivent être mieux formés et soutenus, car ils sont eux-mêmes marqués par l’influence coloniale. Afin de libérer les journalistes culturels africains des vestiges du passé colonial et de leur permettre d’assumer une action constructive, il est impératif de renforcer leur éducation et leur accompagnement.
En tant que Ministre de la Culture, vous avez une responsabilité décisive dans l’application de la Charte de la Renaissance culturelle de l’Afrique.
Vous pouvez concrétiser cet engagement en adoptant des mesures concrètes. L’une de ces mesures prioritaires est de soutenir la formation des journalistes culturels ivoiriens sur les thématiques de la Renaissance africaine. Ces professionnels, véritables vecteurs d’information et d’éducation, ont un impact crucial dans la sensibilisation du grand public. En leur fournissant des outils et des connaissances appropriés, ils deviendront des ambassadeurs de cette Charte et contribueront à sa vulgarisation auprès de la population.
Pour la réalisation de ce programme, votre ministère pourrait collaborer étroitement avec le Ministère de la Communication. Ce dernier a la capacité d’apporter une expertise complémentaire et de mobiliser les plateformes médiatiques nécessaires. Une telle synergie sera un levier puissant pour doter les professionnels des médias des compétences indispensables à la promotion des idéaux de la Renaissance africaine.
Avec un apprentissage adapté et un soutien institutionnel, ces journalistes seront en mesure de raconter une histoire africaine réhabilitée, de promouvoir une identité culturelle forte, de dynamiser les industries culturelles et de stimuler la cohésion sociale. C’est pourquoi leur formation doit devenir une priorité pour les États africains et les organisations internationales. En investissant dans ce domaine, l’Afrique pourra non seulement réaffirmer sa place dans l’histoire universelle, mais aussi construire un avenir où sa culture deviendra un moteur de développement, d’identité et de rayonnement mondial.
Je vous remercie pour l’attention que vous porterez à cet appel et reste à votre disposition pour toute collaboration visant à concrétiser les objectifs de la Renaissance culturelle de l’Afrique.
Veuillez recevoir, Madame la Ministre, l’expression de ma très haute considération.
Axel Illary
Journaliste, Fondateur de La Dépêche d’Abidjan