Basé à Paris depuis 47 ans, Paul Dehe alias Kassaby Dehe, l’un des pionniers du reggae ivoirien parle de sa carrière et de son prochain concert
Après 10 ans sans concert, vous remontez sur scène le 15 juin prochain à la salle RMC France à Villejuif, en région parisienne. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Je suis heureux de retrouver ce que j’aime le plus dans ma vie, la scène et le public.
J’ai fait appel à des talentueux musiciens ivoiriens, en qui je fais entièrement confiance. Nous répétons depuis quelque temps déjà en vue du concert. Les mélomanes pourront redécouvrir mes titres cultes comme ‘’Lodé’’, ‘’Yoyo’’, ‘’Thérèse’’, ‘’Ziombo’’ et ‘’Kmon
Sébé’’ et d’autres chansons déjà connues. Mais il y aura des nouveautés qui seront sur mon prochain album en préparation.
Votre dernière œuvre ‘’Gnonsoa’’ date de 1999. Peut-on savoir pourquoi vous mettez autant de temps entre vos productions ?
Il est vrai que mettre autant de temps entre les productions fait penser à un manque d’inspiration. Mais pour moi, ce n’est pas le cas, parce que je continue de composer. Le problème, ce sont les producteurs qui ne s’intéressent pas ou qui n’ont pas encore découvert mes nouvelles œuvres en préparation. J’espère qu’après ce concert, le champ sera ouvert aux producteurs potentiels et on verra la suite.
Savez-vous que cette longue absence sur la scène et le marché discographique, fait dire à certains que la France est le « cimetière » des artistes ivoiriens ?
Comme on dit, le malade est le premier médecin de son mal. Parce qu’il sait quand ? Comment ? Pourquoi ? Et où il a mal. C’est notre cas, nous les artistes ivoiriens en France. Il y a d’abord le problème d’intégration avec les difficultés liées à la carte de séjour, au travail et au logement. Ensuite, nous avons malheureusement en majorité, opté pour la facilité, en multipliant les playbacks qui n’intéressent qu’une infime partie de notre communauté et les mélomanes en général. Moi, toutes les soirées congolaises, sénégalaises et antillaises que j’ai vues, sont toujours en live. Seules les soirées ivoiriennes et leurs promoteurs rabaissent nos artistes avec des mimes appelés concerts playbacks. A mon avis, c’est la cause de notre déclin ici.
Nous avons, pourtant en France de très bons instrumentistes ivoiriens qui ne demandent qu’à nous accompagner sur scène. Voilà ce que nous devons rectifier, pour sortir de l’anonymat et de l’agonie dans lesquels nous sommes plongés depuis des décennies en France.
Pour en revenir à votre premier tube reggae « Lodé » enregistré à Paris, qui vous a révélé aux mélomanes ivoiriens en 1978. Pouvez-vous rappeler son histoire ?
‘’Lodé’’, c’est le nom de ma mère, qui veut dire solitude en Dao, un dialecte Wê de Taï. Elle est décédée en 1968, par empoisonnement. J’avais toujours voulu dénoncer ce crime et la musique m’a donné cette occasion. J’ai commencé à composer ce morceau en 1973 et je l’ai finalisé en 1978 avec le groupe Matadi à Paris. Pour la promotion lors de mon passage en Côte d’Ivoire, j’ai eu la chance de rencontrer des hommes formidables comme feu Roger Fulgence Kassy, Bandama Debach et Djira Youssouf. Ce sont ces trois-là qui m’ont accepté instantanément. Mon premier passage télé a eu lieu le même jour où je me suis présenté à eux. Ils se sont chargés de toute la promotion de ma chanson ‘’Lodé’’, pour lui donner cette notoriété. Bandama et Djira où que vous soyez aujourd’hui, que Dieu vous garde et vous protège. Et que l’âme de notre frère Roger Fulgence Kassy repose en paix. Voici un peut l’histoire de “Lodé“.
Vous avez fait tellement fort que ‘’Lodé’’ a été choisi en 1980 comme morceau imposé à l’émission ‘’Podium’’ de la RTI, animée par feu Roger Fulgence Kassy…
En effet, ce sont les trois amis conduits par Roger Fulgence Kassy, qui ont fait tout le travail. Ils ont choisi en 1980, de l’imposer à l’émission à succès ‘’Podium’’, qui s’est terminée en 1981. Le titre a donc été joué pratiquement tous les jours pendant près de deux ans, par les jeunes orchestres en compétition. C’est le secret de la longévité et du succès de “Lodé“ jusqu’à ce jour.
Quelles relations avez-vous aujourd’hui avec les autres pionniers du reggae et de la musique ivoirienne en général ?
J’ai de bonnes relations avec Alpha Blondy. C’est pareil aussi avec Zoanet Come.S. L’autre pionnier Martin Zogbo alias Martino Zog qui vivait en Belgique, dont la chanson reggae était sortie avant la mienne, lui, est décédé depuis longtemps déjà. J’estime aussi les autres reggaemen comme Ismaël Isaac, Tiken Jah, Serges Kassy, Waby Spider, Waïpa Saberty, Beta Simon, Kimon, Hamed Farras, Solo Jah Gunt, feu Larry Cheick, Fadal Dey, Kajeem, Spyrow et bien d’autres jeunes talentueux. Autrement, mes autres amis dans le milieu du showbiz sont Bailly Spinto et Djabo Steck.
A quand un concert en Côte d’Ivoire, pour marquer votre retour ?
Je ne souhaite que ça, si des promoteurs sont intéressés. Je suis à l’écoute de tous.
Eric Cossa par téléphone