Président du Conseil d’administration du Groupe Samandjê, propriétaire des hôtels Le Régent, Suprême et Golden Palace, tous situés à Grand-Bassam, M. Jean-Alfred Anodjo parle, dans cet entretien, du parcours de leader de la holding dans le secteur de l’hôtellerie dans l’ancienne capitale de la Côte d’Ivoire, de ses ambitions et de la vision de ses dirigeants. Exclusif !
. Quel est aujourd’hui l’état de santé du groupe que vous présidez, depuis sa création il y a cinq ans ?
- Le Groupe Samandjê se porte bien malgré notre jeune âge. Durant ces cinq ans, nous sommes passés d’un à deux hôtels puis à trois hôtels maintenant. Nous sommes passés de 60 chambres avec le seul hôtel Le Régent, à 300 chambres aujourd’hui pour nos trois établissements. Cet accroissement de capacité va également aussi avec celui du chiffre d’affaires. Ce qui nous conduit à faire face à plusieurs défis : le recrutement du personnel, l’organisation et la structuration des trois hôtels. Nous avons à cet effet mis en place, l’année dernière, une Holding dénommée Groupe Samandjê S.A. qui contrôle les différentes filiales que sont Le Régent, Suprême et Golden Palace, ce dernier étant notre vaisseau amiral et notre signature avec ses 140 chambres et que nous avons acquis l’année dernière, à travers un montage financier de notre partenaire NSIA Banque. Ces trois hôtels nous mettent dans une position de leadership sur le marché de Grand-Bassam, dans le Sud-Comoé et sans doute au-delà d’Abidjan.
. Qu’est ce qui explique ce passage d’un petit hôtel d’une soixantaine de chambres, à un grand groupe de 300 chambres aujourd’hui ?
- Cela fait partie de la vision de Sa Majesté Nanan Kanga Assoumou, le Roi des Abourés Ehê de Moossou, le Fondateur et Actionnaire principal. Il avait comme vision et ambition d’avoir, à moyen terme, un groupe hôtelier de 500 chambres. Il ne voulait pas faire quelque chose de simple et suivre juste la mode. Avec Le Régent, nous nous sommes vite retrouvés coincés devant la demande. C’est comme cela que nous sommes allés construire le second hôtel, le Suprême et sa centaine de chambres. Cela a coïncidé avec la Covid-19. Mais, après quatre mois de difficultés, nous avons vite redémarré l’activité parce que la clientèle était là. C’est aussi à cette période que nous avons appris la vente de l’hôtel Afrikland. Nous avons donc soumissionné pour son acquisition. Cela nous a permis d’accélérer notre vision, celle du Roi qui est la réalisation d’un groupe de 500 chambres. Aujourd’hui, nous sommes à 60% de notre objectif.
. Est-ce un terme, une limite que ces 500 chambres à atteindre ?
- Non, pas du tout. C’est une première étape. Sa Majesté voulait simplement nous dire qu’il n’est pas venu dans l’hôtellerie pour faire les choses à moitié. Il veut, en prenant l’option de s’investir dans ce secteur, créer des emplois pour la jeunesse de Grand-Bassam et au-delà. Il veut aussi entreprendre et gagner la bataille économique. D’ailleurs, les 500 chambres sont uniquement sur la ville de Grand-Bassam. Le groupe compte étendre ses activités dans d’autres villes du pays, notamment Yamoussoukro et San-Pedro pour ne citer que ces deux villes. Ce qui est important pour nous, c’est de devenir, dans un temps très court, un champion national, une référence dans le secteur de l’hôtellerie.
. Un champion national ou un champion local, puisque les investissements du groupe sont localisés à Grand-Bassam ?
- L’ambition, c’est d’être un champion national. Nous avons commencé à Grand-Bassam, qui est notre base. Nous voulons avoir une base solide, avant d’aller à la conquête du reste du pays. La ville de Grand-Bassam étant un point central en matière de tourisme, à côté de la capitale économique Abidjan, nous voulons avoir les pieds solidement ancrés chez nous avant d’aller ailleurs.
. Quels sont les axes majeurs de vos actions en termes de projection sur l’avenir?
- Nous avons déjà identifié deux projets majeurs d’investissements à Grand-Bassam qui vont nous permettre d’atteindre les 500 chambres dans les cinq prochaines années. Nous avons l’intention de construire, dès l’année prochaine, un nouvel hôtel 4 étoiles du côté lagunaire, avec une marina et une salle de conférence de 1000 places entre autres. À côté de ça nous étudions un projet d’acquisition d’un quatrième hôtel.
. Finalement, le Groupe laisse très peu de places aux autres opérateurs?
- C’est la règle du jeu. Nous avons une ambition d’expansion. Nous voulons solidifier notre position. En fait, beaucoup de gens voient Grand-Bassam sous le prisme du tourisme culturel ou de loisirs avec l’Abissa, les plages et autres. Mais, le tourisme d’affaires est aussi à développer. C’est cette niche que le groupe veut occuper massivement avant de conquérir l’intérieur du pays.
. Qu’est ce qui explique le choix de cette niche particulière de tourisme d’affaires au détriment d’un tourisme plus populaire ?
- À Grand-Bassam (Patrimoine mondial de l’UNESCO), il y a le tourisme de loisirs et/ou culturels avec l’Abissa, la fête de génération etc… Ce tourisme est basé sur les individus, les familles et les amis. À côté de cela, il y a le tourisme des ‘’Vacanciers’’ avec nos frères et sœurs qui sont à l’étranger. Vient compléter ces deux axes, ce que nous appelons, le ‘’tourisme d’affaires ou des séminaires’’ avec les conférences et les hommes d’affaires. Ce segment est très porteur et dynamique. La demande étant forte, le groupe a joué sur le Suprême et Golden Palace pour y faire face. L’une des clés aussi de cette niche de tourisme des affaires, est d’avoir assez de salles de conférences avec toutes les commodités liées à la technologie. Beaucoup d’investisseurs oublient cet aspect.
. Peut-on dire que ce positionnement est un choix gagnant ?
- Absolument, c’est un choix gagnant. Je dirai même plus : c’est le sens des futurs investissements du groupe. La demande est forte sur ce segment. Cela fait près de quatre mois que nous fonctionnons avec un déficit de 60 chambres tous les mois. Nous sommes obligés d’héberger, tous les mois, au moins 60 clients chez nos concurrents.
. Est-ce qu’on peut estimer que c’est une tendance irréversible dans l’hôtellerie des affaires ?
- C’est une tendance de fonds en tous cas. Le côté irréversible viendra de l’environnement politico/économique mondial. Elle est même générale dans le monde avec la fin de toutes les restrictions après la Covid-19. Les statistiques notent que le tourisme des affaires a explosé. La Côte d’Ivoire étant une plateforme importante économiquement, elle attire tous les séminaires internationaux. Je pense que cela est une tendance de fond qui va durer. Cela va même se poursuivre dans les prochaines années, à moins qu’il ait d’autres crises sanitaires ou des conflits du genre de la guerre Ukrainienne.
. Redoutez-vous ce positionnement de votre groupe, avec tous vos concurrents immédiats ou dans la proximité abidjanaise, et même les futurs investisseurs étrangers dans ce domaine ?
- Nous ne négligeons pas cette concurrence. Nous en sommes parfaitement conscients. C’est pour cela que nous essayons de faire tout ce qui est de notre possible pour mener à fond notre projet. Nous voulons, comme le dit la signature du groupe, être «profondément Humain et résolument Africain ». Cela signifie que nous mettons l’Homme au centre de nos préoccupations avec, dans nos valeurs, l’esprit de services et d’équipe à l’effet de motiver les employés pour offrir un service extra. Dans le business de séminaires, ce sont les hommes d’affaires et professionnels. Ceux-ci, plus que les autres clients, sont sensibles à la qualité des services, à l’accueil, à l’équipement technologique etc…. Il y a toute une qualité de service qu’il faut mettre autour pour être à ce niveau. Il faut aussi avoir des hommes et femmes motivés et compétents pour gagner cette bataille. Résolument africain pour présenter et démontrer les valeurs positives africaines (hospitalité – accueil – fraternité – sociabilité etc…)
. Avez-vous les hommes et les femmes qu’il faut, justement pour gagner cette bataille ?
- Nous les avons. Ce n’est pas facile. Nous avons un plan de formation annuel qui permet de former tout le personnel, en commençant au plus bas niveau jusqu’au directeur général. Le directeur général doit savoir comment gérer ses équipes. Les employés doivent aussi savoir comment, par exemple, faire une table, un lit ou tenir un verre… Nous avons la chance d’avoir le Fonds de développement pour la formation professionnelle (FDFP) et plusieurs cabinets qui mettent, à notre disposition, des modules de formations. Nous avons, par le canal de notre service de communication, créé sur notre site une plateforme baptisée ‘’les carrières à Samandjê’’ où nous collectons les curriculum vitae(CV) de diplômés ou de jeunes pour mettre les bons profils dans le système, pour y recourir en cas de besoin. Parce que, le débauchage n’est pas toujours la solution garantie. Nous préférons prendre quelqu’un pour le former dans l’esprit du groupe avec nos valeurs.
. Quels sont les atouts et forces du groupe en dehors de la qualité de vos hommes et femmes ?
- Nos autres atouts reposent sur la qualité des infrastructures. Il faut miser sur les infrastructures. L’hôtellerie sur la côte a un véritable problème, c’est l’humidité. Nous profitions de la qualité de la mer et de l’air marin. Mais, à l’inverse, cela donne beaucoup de pression sur les investissements. Si vous n’avez pas un plan d’investissement de maintien, votre business tombe à l’eau. Les clients sont très exigeants. Ils veulent retrouver et revoir les chambres qu’ils avaient deux ou trois années auparavant. Or, beaucoup de nos concurrents minimisent le volet de l’entretien. Il ne faut pas aussi minimiser l’aspect technologique. Aujourd’hui, lorsqu’un client arrive dans un hôtel, son premier réflexe est de demander le code Wi-Fi avant la clé de sa chambre. Nous avons comme mission, à terme, de mettre un Wi-Fi gratuit dans tous nos hôtels comme en Europe. On ne peut faire ce genre de business sans ces éléments. Nous voulons suivre la tendance pour mettre nos clients dans le confort. Nous allons pousser très loin notre ambition. Nous allons installer des cabines de traduction dans notre futur hôtel. Il faut les Hommes pour faire un service de qualité, mais aussi les infrastructures et les technologies. Ces éléments sont les bases du business dans le secteur de l’hôtellerie d’affaires.
. L’environnement économique et fiscal est-il propice au développement du tourisme ? Y a-t-il des contraintes qui freinent le développement de votre activité ?
- L’ambition du gouvernement est de porter à deux chiffres la part du tourisme dans le PIB (Produit intérieur brut). Malheureusement, les acteurs du secteur ne sont pas accompagnés. Nous avons bénéficié, au début de la construction de Le Régent, d’une exonération fiscale de 10 ans lorsque nous sommes passés par le Centre pour la promotion des investissements en Côte d’Ivoire(CEPICI).
. Mais combien d’opérateurs savent cela?
- Il n’y a pas de couloir (économique et fiscale dédié) qui montre la volonté de faire du secteur du tourisme, une industrie à part entière comme on le voit dans des pays tels que le Maroc, la Tunisie ou l’Afrique du Sud. Notre souhait est de voir le gouvernement faire des exonérations fiscales à long terme pour les acteurs des villes côtières comme Grand-Bassam, Jacqueville, Sassandra et San-Pedro, pour le développement du tourisme. Cela contribuerait à la création d’emplois. Le tourisme, c’est le service et métier de demain.
. Qu’en est-il du financement bancaire ?
- Nous n’avons pas aussi de guichet dédié au financement des infrastructures du tourisme. Nous allons sur le marché comme tout le monde. Nous avons bon espoir, avec le projet PEPITE que le gouvernement vient de lancer, que tout ira mieux pour les PME en général. Nous avons même l’intention de soumissionner, parce que nous ambitionnons être un champion national. Nous sommes prêts pour ce challenge.
. Le succès rapide du groupe ne vous effraie-t-il pas ? Ce succès n’est-il pas une source de préoccupation pour les dirigeants que vous êtes ?
- Tout est une question de gouvernance. Il faut avoir une bonne gouvernance et un bon projet. C’est quand vous êtes surpris par votre succès que vous ne savez pas où aller. Nous ne sommes pas surpris par notre succès. Nous avons une stratégie et un plan que nous exécutons et que nous déroulons
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