Luckson Padaud traverse le temps avec tout le succès qui rythme sa carrière artistique. Et depuis ‘’Kalgbeu’’, son premier disque en 1982, rien ne résiste à Lago Tapé Séhia. En fait, littéralement traduit, ‘’Kalgbeu’’ veut dire ‘’ouvrez le village’’ en langue bété. On a l’impression que le chemin s’est vite dégagé pour Luckson Padaud. Puisque cela fait 40 ans qu’il roule sa voix et porte sa guitare pour semer de la joie chez les mélomanes qui se rencontrent dans toutes les générations.
Dans la carrière de l’enfant de Tahiraguhé, une localité proche de Daloa à l’ouest de la Côte d’Ivoire, 2022 est une année charnière. C’est pour cela que la structure Minerv Africa de Franck Arthur Gbalou organise cet anniversaire spécial pour le précurseur du ‘’Lala-Laba’’. L’incroyable anniversaire comprend plusieurs activités comme un spectacle live VIP le 27 août prochain au Sofitel Abidjan Hôtel Ivoire et un giga concert le 3 septembre sur l’esplanade du Palais de la culture d’Abidjan-Treichville.
Ces deux importants rendez-vous des festivités des 40 ans de Luckson Padaud arrivent après un panel animé le jeudi 28 juillet dernier à la Rotonde des arts d’Abidjan-Plateau. Des spécialistes contemporains y ont dévoilé les axes fondateurs du succès et de la longévité professionnelle du chanteur ivoirien. Autour du thème général: ‘’Luckson Padaud, l’homme, sa musique et sa discographie’’, les panélistes ont exposé la carrière et la dimension humaine de l’artiste.
« Padaud est humble et timide. Il a été longtemps un grand admirateur d’Ernesto Djédjé, son cousin. Pour faire un artiste complet, il a appris à jouer de la guitare. Ce qui lui facilite la chanson », soutient Djabo Steck, historien musicologue, producteur et ancien batteur d’Ernesto Djédjé. Pour l’écrivain Hervé Gobou qui a consacré un livre à Padaud, « Luckson mérite d’être immortalité. C’est un être sociable qui aime son prochain ». Dans son ouvrage ‘’Séhia Luckson Padaud, une vie de musique’’ et sous-titré ‘’Le Gbêkazoukou de Tahiraguhé’’, il révèle la force de l’auteur de ‘’Téléphone’’. « Gbêkazoukou est le chenille poilu. Il est difficile à vaincre. Ce qui révèle l’invincibilité et la puissance de l’artiste. Cela lui permet de traverser le temps et l’espace », déclare Hervé Gobou, maître en histoire contemporaine. Les qualités humaines de Luckson Padaud ont été mises à nu par l’animateur John Jay, modérateur du panel et le producteur et ancien PCA du Burida, Sylvain Sery. Le premier a expliqué que Padaud n’a jamais mis son cachet en avant pour un spectacle. « Padaud a le sens du devoir et de la responsabilité envers ses concitoyens », soutient le General dealer. Et le second a indiqué avoir longuement travaillé sans moyen avec le chanteur. Leur collaboration était basée sur la confiance.
C’est en abordant la musique et la carrière de l’artiste que les invités découvrent l’immensité de son talent et les astuces qui l’ont solidifié. « Séhia Luckson Padaud était ami à tous les ziglibithiens que nous étions. Son premier album a la coloration du Ziglibithy. Mais après la mort de Djédjé, il n’a pas voulu se mêler à la bataille des héritiers. Il a donc dit qu’il fait du Laba-laba, la danse du canard. Même si la base rythmique est restée Ziglibithy. Mais la polémique interviendra quand il a voulu faire l’ouverture en initiant le concept Ziglibithy-Makossa à son 3e album», révèle Djabo Steck.
A l’époque, le Makossa avait pignon sur rue dans les discothèques d’Abidjan. « Padaud a fait ce métissage musical pour que dans les night-clubs, on passe le Ziglibithy avec la rythmique makossa », martèle l’ancien PCA du Burida. Mais, selon Hervé Gobou, son biographe, « Padaud est toujours resté lui-même malgré les influences en préservant le patrimoine culturel bété. Il a su moderniser le patrimoine bété sans le dénaturer. Dans sa musique, on voit que l’artiste est ouvert au zouk et au slow. » Et l’écrivain va encore plus loin. « Il y a une profondeur dans les textes de Padaud où il parle des questions fondamentales et existentielles de la société. La chanson de Padaud interroge notre communauté de valeurs : l’amitié et la générosité qu’il loue. Et la sorcellerie, la jalousie et la mesquinerie qu’il combat », dit-il.
Après 40 ans de scène avec 21 albums au compteur, soit un ratio impressionnant d’un disque tous les deux ans, on est usé ou on stagne. Pour l’ensemble des panélistes de l’œuvre de Luckson Padaud, il lui faut un nouveau souffle pour conquérir de nouveaux publics. « Luckson Padaud est l’un des artistes tradi-modernes ivoiriens les plus outillés. Qu’il se fasse arranger par d’autres techniciens. Il serait aussi bénéfique pour lui qu’il remonte son orchestre les Frères Séhia », propose Sylvain Sery.
Par Omar AK