L’acteur ivoirien Soungari Koné a été révélé au public grâce à son rôle de ‘’Maklakan’’, dans la série ‘’Faut pas fâcher’’, diffusée sur la première chaine de la RTI. Depuis quelques années, il avait disparu des écrans. Il est réapparu à la faveur des dernières élections législatives. Il était candidat sous l’étiquette indépendant, dans la circonscription électorale N° 097 d’Arikokaha, Niakaramandougou et Tortiya, communes et sous-préfecture, dans la région du Hambol au nord de la Côte d’Ivoire. Dans cet entretien, il explique le sens de son engagement politique, dresse le bilan de sa participation au scrutin et précise son nouveau rôle dans le milieu du cinéma.
. Qu’est ce qui a motivé ce choix de te lancer dans une aventure politique ?
- En me présentant aux élections législatives, je voulais rester dans la logique d’aller vers le grand public et d’échanger avec mes parents. Les gens de ne doivent pas être surpris, car je n’ai pas changé de manteau. La cible d’un acteur de cinéma ou d’un artiste, c’est le public, c’est également le cas pour les acteurs politiques. C’est seulement le discours qui change. En tant qu’acteur de cinéma, ma mission est d’éveiller les consciences des populations. Alors que les politiques n’ont pour objectif que d’endormi nos populations. Pendant plusieurs années, j’ai œuvré à éveiller les consciences à travers l’art, maintenant, j’ai estimé qu’il était temps de faire un pas dans la politique. J’ai pour ambition de faire la politique autrement, de manière différente de celle des politiciens qu’on connait d’habitude. Eux, ils ont pour habitude d’endormir les consciences, nous partons sur le terrain pour compétir avec eux dans le but d’éveiller les consciences. Moi je n’ai pas changé, il ne faudrait pas qu’on reste à l’égard et laisser certaines personnes continuer à endormir nos parents. Notre objectif est de faire sortir nos parents des ténèbres.
.Quel Bilan fais-tu de cette expérience politique ?
- Pour moi le bilan est positif. Car, depuis la fin des élections, je ne passe plus inaperçu dans ma circonscription électorale. Je suis désormais connu dans n’importe quel village de la région. Je suis fier que mes parents voient désormais en moi un interlocuteur sérieux et fiable pour relayer leurs préoccupations. A présent, j’ai des relations familiales avec les populations des contées les plus reculées que nous avons pu visiter durant cette campagne électorale. Nous avons pu constituer une base de données qui nous permettra de mieux travailler à l’avenir.
. N’empêche que ton résultat n’a pas été fameux avec un score de 0,98%.
- Nous sommes allé à une élection, il est tout à fait normal qu’il y ait un gagnant et un perdant. Nous le savions avant de nous engager. Les hommes votent, Dieu vote aussi. Et cette fois, Dieu n’a pas voulu que ce soit nous.
. Qu’est-ce qui n’a pas bien fonctionné dans ta stratégie électorale ?
- Ce n’est pas que nos résultats n’ont pas été fameux. Fameux par rapport à quoi ?
. N’est-ce pas qu’on va à une élection pour la remporter, en l’espèce, tu n’as pas gagné.
- En réalité, les gens ne s’attendaient pas à nous sur le terrain politique. C’est vrai que nous n’avons pas pris le temps de les préparer. Donc, quand ils nous ont vus au cours de la campagne, ils se posaient des questions. Ce qui est tout à fait normal. Et je pense que cela a été le cas pour de nombreux Ivoiriens qui m’ont connu en tant qu’acteur de cinéma. Certains se demandaient si nous venions fait de la figuration ou bien si c’était du sérieux. Les populations n’ont donc pas eu le temps de se faire une idée claire de ce que nous étions réellement là pour participer à ces élections comme tous les autres candidats. Nous leur présentons donc nos excuses, car il nous fallait les préparer à notre candidature. Et notre présence sur le terrain politique. Après ces élections, aujourd’hui de nombreuses personnes nous appellent pour présenter leurs excuses de n’avoir pas voté pour nous. Mais, c’est plutôt à nous de leur présenter nos excuses. Car nous n’avons pas fait un bon travail en amont.
. Donc tu t’es précipité dans la politique ?
- Nous ne sommes pas allés précipitamment sur le terrain politique. Mais nous avons choqué nos parents, car ils ne nous connaissaient pas sur ce terrain. Les hommes politiques sont connus pour être des roublards, des menteurs, des tricheurs. Alors qu’un acteur, un artiste a la réputation d’être une personne sérieuse, désintéressée, et donc un leader fiable. Donc quand un acteur comme moi vient sur ce terrain, il y a une cassure dans l’esprit de nos parents. C’est cette cassure qui a un peu déboussolé nos parents. Maintenant, il nous appartient de leur faire savoir que désormais nous sommes présents dans l’arène politique. Nous sommes là pour faire la différence. La politique est un métier noble, sauf que souvent certains politiques ne sont pas sérieux.
. Etait-ce juste une parenthèse ou bien cette aventure annonce un autre engagement dans l’action politique ?
- Je me considère comme un arbre avec un seul tronc et plusieurs branches. La politique n’est pas faite pour une catégorie de population. Nous aussi, nous pouvons y participer. Nous ne pouvons plus rester en retrait. Pendant longtemps, nous avons observé et constaté que la plupart de nos hommes politiques ignorent ou semble feindre d’ignorer ce que c’est que la politique, c’est-à-dire prendre soin des populations, se préoccuper de leur bien-être. Aujourd’hui, il y a trop d’analphabètes politiques qui ont le destin de nos pauvres parents entre leurs mains. Je prends donc l’engagement solennel d’aller sur ce terrain afin de réparer les torts qui sont fait à nos parents. Le jeu politique est ouvert à tous les citoyens, nous y sommes maintenant.
. Tu seras donc candidat à d’autres échéances électorales ?
- Ce n’est pas à exclure. Nous sommes allés aux élections législatives, pas pour faire acte de candidature et de la figuration, mais pour gagner. Notre stratégie a manqué de quelque chose. Nous ne dirons pas que nous avons pris goût à la politique, mais il fallait d’abord commencer avec les législatives. Désormais, la machine est en marche et nous continuerons. Nous étions favoris car nous avions le meilleur discours. Il était clair, sans injures, plein de vérité, avec des propositions concrètes. Les populations ont énormément apprécié cela.
. Donc, plus précisément, serais-tu candidat aux élections municipales ?
- L’appétit vient en mangeant. Pour l’heure, je ne peux me prononcer précisément. Si j’annonce que je serai candidat à cette élection et que plus tard, je ne me présente pas, je serai en porte à faux avec mes parents, donc mon équipe et moi analysons d’abord les opportunités qui peuvent s’offrir à nous. Nous avons déjà commis une première erreur et nous ne voulons pas récidiver. Nous voulons bien faire les choses. Il faut que les gens sachent que nous sommes désormais engagés dans la politique. Qu’ils ne soient pas effrayés, qu’ils ne soient pas choqués de me voir faire de la politique. Certaines personnes, nous demandent ce qu’on est parti chercher là-bas. Qu’ils comprennent que le champ politique n’est pas dédié à une clique d’individus. Il n’appartient pas à une corporation définie. Que nos parents sachent que la manière dont certains font la politique en Côte d’Ivoire et en Afrique n’est pas la bonne. Je le dis haut et fort, nos devanciers sont tombés en brousse, ils ont déserté les lieux où les populations ont besoin d’eux. Leurs discours ne sont plus adaptés. Ils se battent pour des futilités alors que les problèmes vitaux de nos populations restent sans solutions.
. Quel est ton message à l’endroit de tes électeurs ?
- Je dis grand merci à tous ceux qui ont cru en nous, qui ont compris notre message. Ce n’était pas facile. Contrairement à nous, certains candidats bénéficiaient déjà d’un capital marque. Il est donc difficile de les détrôner au premier essai, il n’est pas facile de changer des habitudes ancrées depuis longtemps chez certaines populations. Mais vu les témoignages au retour des législatives, nous sommes sûrs d’être sur la bonne voie. Nous allons nous appuyer sur ces acquis pour conquérir les esprits et les cœurs de ceux qui sont encore hésitants en notre endroit. Nous sommes infiniment reconnaissant à tous nos parents qui nous ont accueilli à bras ouverts et nous ont témoigné de leur sympathie. J’en suis très fier. Leur soutien nous galvanise, malgré la défaite, nous ne sommes pas découragés, bientôt nous retournerons vers eux. Désormais nous sommes engagés avec eux.
. Est-ce à croire que tu te retires du monde de la culture?
- C’est grâce au cinéma et à la comédie que les Ivoiriens m’ont découvert, donc je continue dans ce milieu, je ne vais pas abandonner. Actuellement, avec ma structure de production, nous sommes en train de préparer plusieurs séries. Durant toute l’année 2021, nous allons travailler sur les contenus, les scénarii de plusieurs films que le public ivoirien et africain va découvrir bientôt.
. Pourquoi, on ne te voit plus sur le petit écran ?
- Pendant de nombreuses années, j’ai été acteur. Maintenant, je suis en train de me retirer progressivement, afin de laisser la place au plus jeunes. Je veux me mettre en off, désormais, je suis réalisateur, directeur artistique, metteur en scène. A présent, je fais les artistes. Je contribue à la fabrication de la nouvelle génération d’acteurs ivoiriens et africains. Je suis derrière la caméra et cette place me sied très bien. Je m’y sens mieux que devant. Les gens nous attendent un peu trop sur les écrans, mais sincèrement, je préfère me consacrer à l’encadrement des jeunes, à travers la réalisation. C’est pour cela que le public ne voit plus sur le petit écran.
. On peut te considérer comme appartenant à une génération intermédiaire entre les anciens acteurs ivoiriens et la nouvelle génération. Quel est ton regard sur le secteur du cinéma et de la scène de la comédie actuellement en Côte d’Ivoire ?
- Les professionnels du cinéma ivoirien se battent comme ils peuvent, avec les moyens dont ils disposent. Ce n’est pas facile. Quand vous avez un projet politique, ou quand vous voulez organiser un meeting politique, vous avez facilement un sponsor ou un parrain. Mais quand il s’agit de l’art ou de la culture, il n’y a pas de financement. C’est pour changer tout cela que nous sommes engagés dans la politique. Mais je suis heureux et fier de voir qu’aussi bien sur les chaines locales et qu’internationales, on diffuse presque quotidiennement des films ivoiriens ou africains. Par ailleurs, depuis un bon moment, chaque week-end, il y a un spectacle de comédie dans la plus grande salle de spectacle du palais de la culture de Treichville et les humoristes font salle comble. C’est une vraie fierté pour nous. Les gens commencent à comprendre qu’il faut soutenir les acteurs et comédiens, car ils font du très bon travail. Cela signifie que nous avons pu transmettre notre savoir à nos jeunes frères. Ils sont en train de faire mieux. C’est tout ce que nous souhaitions. Les œuvres réalisées actuellement sont de bonnes qualités. Pour preuve, elles sont de plus en plus achetées par des chaines. Des investisseurs se signalent. Et comme je disais plus haut, les spectacles d’humour font aujourd’hui salle comble, ce n’est pas fortuit.
Par Adams T