Après sa première œuvre, \”La messe et les chants sacrés\”, parue en 2015, le Père Don Abib Marcellin, actuel Vicaire de la paroisse Saint Thomas d’Agban- village dans la commune d’Attécoubé, Diocèse d’Abidjan, a sorti au mois d’août 2020 son deuxième livre intitulé \”Foi et Culture : Quand le zouglou chante Dieu\”. Une véritable belle aventure littéraire pour le Père Don Abib Marcellin, qui soutient dans cette interview que son objectif est de faire découvrir que \”Dieu est dans le beau, le bon, l’ordinaire, la musique et l’art en général …\”
- . Père Abib, d’où vient votre âme d’artiste, d’écrivain plus précisément ?
Une âme d’artiste, d’écrivain… c’est un peu trop dire. Je me reconnais comme un essayiste. En fait, je m’essaie à l’écriture, tout comme à la musique, parce que je suis toujours dans la phase de l’apprentissage, du développement des acquis. Mais, j’ai aussi une envie de transmission, de communication de ce que j’ai reçu et du peu que je sais. Mon inspiration nait de ce que je vois et ce que j’entends. Et bien sûr, après avoir demandé au Seigneur la claire vision de ce que je dois faire et la force pour l’accomplir par la puissance de son Esprit. Je me rappelle qu’au Grand Séminaire d’Anyama, en 2006, j’ai écrit un article dans le bulletin de réflexion et de formation \”Forêts et Savanes\”sur le thème suivant : Regard socio-éthique sur les phénomènes du \”boucan et du wolosso\” : incidences et rapports avec le développement social.
- Depuis le 1er août 2020, vous avez sorti votre 2e ouvrage intitulé : \”Foi et culture : quand le zouglou chante Dieu\”. Pouvez-vous nous expliquer cette œuvre au titre quelque peu intriguant ?
Oh, il s’agit pour moi de ce que j’appelle \”une aventure scripturaire\”, pour faire découvrir aux lecteurs, aux mélomanes, aux acteurs du show-biz en général et du zouglou en particulier, que Dieu est aussi présent dans le beau, le bon, l’ordinaire et la vérité. Pour réussir cela, j’ai voulu donc me servir du zouglou, en lien avec le binôme foi et culture. Aujourd’hui, ce n’est un secret pour personne, le zouglou est une musique identitaire en Côte d’Ivoire. En analysant où et comment le zouglou est né et son mode de déploiement, je pense qu’il n’est pas bon de cataloguer, ni stigmatiser cette musique. D’ailleurs, il est important de savoir que la clé d’appréciation d’une musique doit être basée sur cette trilogie : mélodie, texte et rythme. Sur cette base, le zouglou peut constituer un tremplin d’évangélisation, mais en même temps, il a besoin d’être évangélisé. D’où l’urgence de l’accompagnement des artistes, à travers une pastorale catégorielle, une aumônerie qui leur sera dédiée.
- Quelle est votre véritable motivation, en abordant le Zouglou sous l’angle religieux ?
Ma véritable motivation est de porter et de faire entendre le message de l’amour de Dieu dans le monde de la culture. Parce que les artistes comme nous aussi sont, des enfants de Dieu et ils ont besoin de sentir et savoir que l’Eglise s’intéresse à eux. N’est-ce pas que certains sont nés catholiques, d’autres désirent le devenir et d’autres encore abandonnent la foi catholique pour des raisons qui ne valent pas le coup ? Les artistes doivent savoir que rien de beau, de grand, de merveilleux et de durable ne peut se construire et se réaliser sans Dieu. Notre mission est de le leur faire savoir ou de le leur rappeler.
- Enfin … mon Père, qu’est-ce que Dieu vient faire dans cette histoire de Zouglou ?
(Il sourit) Dieu est-il sectaire ? Non ! La mission de l’Eglise est de s’armer pour aller vers tout le monde et faire connaître et découvrir Dieu. Cette mission consiste aussi à déceler, discerner la présence de Dieu dans ce que nous faisons. Certains textes du zouglou sont évocateurs, profonds, denses, pour servir à l’évangélisation. Je vous invite à prendre certains textes zouglou dans leur composition musicale et vous verrez leur portée spirituelle, humaine, morale et sociale.
- Quelle est votre perception du zouglou ? Vous considérez-vous comme appartenant à la génération Zouglou ?
Oh, je n’appartiens à aucune génération. Je suis ce que je suis : un prêtre. Etant dans la société et ayant écouté plusieurs fois cette musique, je pense qu’il est vraiment judicieux et opportun de valoriser le zouglou, qui est aujourd’hui, une identité culturelle pour nous les Ivoiriens. Le déploiement de cette musique, pour ma part, ne doit pas passer inaperçu. Le zouglou a une manière toute spéciale d’aborder et de présenter les faits de vie, de conscientiser le peuple, de tourner en dérision certains événements et de se faire la voix des sans voix.
- Quel est votre regard sur le concept \”Zouglou Gospel\” dans la musique chrétienne ivoirienne, dont certains chantres comme Richard Krémé, sont adeptes ?
Vous savez, j’aime bien le zouglou et le zouglou fait du bien… Mais dans mon livre, je fais la part des choses en signifiant qu’il ne peut pas et ne doit pas être introduit dans une action liturgique. Tout simplement parce que la liturgie respecte un code. Il y a des normes. Cependant, on peut se servir du zouglou pour des activités para-liturgiques, des rassemblements de jeunes ou pour des évangélisations. Le zouglou gospel, est à saluer et encourager. Ceci dit, j’apprécie ce que fait Richard Krémé et bien d’autres chantres, qui exploitent ce genre musical pour montrer l’ouverture de l’Eglise.
- Vous est-il déjà arrivé de \” libérer en Zouglou \” ? (Ndlr : esquisser des pas de danse au son de la musique Zouglou). Que pensez-vous de vos confrères qui dansent dans les assemblées ?
Effectivement ! Il m’est déjà arrivé et bien des fois de \”libérer en zouglou\”, mais jamais dans une assemblée liturgique. En fait, il faut éviter d’introduire le profane dans le sacré, au risque de transformer nos assemblées en espaces de spectacles ou en de petits capharnaüms.
- Père Abib, vous êtes un zouglouphile, avez-vous un dernier message pour les ‘’Parents ‘’ ?
Le zouglou, c’est un langage, une philosophie, une musique, un esprit. Les zouglouphiles ont pour habitude de s’appeler « parents ». On voit donc la dimension communautaire, la dimension famille. Cette manière d’agir et de voir est à promouvoir et répandre. Mais plus clairement, il est important que les actes concrets d’amour, de pardon, de communion, puissent accompagner les chansons. Les artistes comme les mélomanes doivent accorder une place de choix à Dieu dans ce qu’ils font, par la mise en pratique des valeurs spirituelles, humaines et morales. La culture ne doit jamais faire oublier Dieu, ni l’ignorer. Dieu nous aime ! Qu’Il nous bénisse ! Qu’Il protège tous les acteurs du monde de la culture !
Par Eric Cossa et Jean Guillaume Kouakou