(Source RFI)
Qu’écoutait-on en Côte d’Ivoire, le 7 août 1960, au moment de l’Indépendance ? Difficile d’isoler un tube pour cette année-là, tant la musique en vogue à l’époque dans le pays était avant tout ghanéenne, nigériane, congolaise ou cubaine. Mais 1960, et le 7 août précisément, c’est l’émergence d’un pionnier de la musique moderne ivoirienne : Amédée Pierre.
Le jour de l’Indépendance, il donnait un concert mémorable dans le quartier de Treichville à Abidjan. « Les colons nous écrasaient en marchant ; mais avec l’indépendance, ils doivent lever le pied ». Voilà en substance ce que dit cette chanson en langue bété, « Indépendance ». Le 7 août 1960, Amédée Pierre l’interprète au centre culturel de Treichville, après le discours de Félix Houphouët-Boigny, l’hymne national, et les 21 coups de canon. C’est son premier grand concert avec son orchestre Ivoiro Star. René Babi, son biographe, raconte : « À minuit, le président a proclamé l’indépendance. C’était la fête et ceux qui ont des orchestres se produisent. La communauté bétée et d’autres personnes sont venues pour écouter ce jeune. On l’attendait pour qu’il confirme ce qu’il avait laissé entrevoir de ses talents. On l’invitait de temps en temps au cours des mariages, des baptêmes… A la faveur de la fête de l’indépendance, ce jeune homme crée un orchestre et va se produire au Centre culturel. Il y a la curiosité et les gens y vont en grand nombre ». La salle est comble et le succès tel que le père d’Amédée Pierre accepte enfin de laisser son infirmier de fils se lancer dans une carrière musicale. « Son père était un préposé des Douanes et donc un fonctionnaire alors il n’était pas tout à fait d’accord de le voir faire de la musique. Et le lendemain matin, grâce à leur recette, ils ont envoyé 500 000 francs au vieux, qui de toute sa vie de fonctionnaire, n\’avait jamais eu une telle somme. Il a béni son fils : qu\’il chante ! » raconte encore René Babi. Et des tubes, il en créera à la pelle… Moussio Moussio, Soklokpeu, Seguela Abou, entre autres. Des chansons comme des contes, faites de proverbes, où les animaux ont la parole, et qui vont marquer l’histoire de la musique ivoirienne.
« Son orchestre a été créé avec la Côte d’Ivoire indépendante. C’était son titre de gloire de naître officiellement à cette date-là. Il disait que la Côte d’Ivoire n’avait pas d’identité musicale personnelle et que nous étions envahis par les musiques venues d’ailleurs. Il a fallu qu’Amédée impose un rythme de chez lui, en chantant dans sa langue, prioritairement, le bété. Avec la guitare basse, il a reproduit ces rythmes de notre musique traditionnelle. Beaucoup d’Ivoiriens d’Abidjan se sont retrouvés à danser des musiques de chez eux. Amédée, on l\’appelle \”celui qui a modernisé notre musique traditionnelle\”. »
Amédée Pierre, c’était aussi une voix. Le dopé national, le rossignol, en bété, est mort en 2011, laissant derrière lui quelque 170 chansons.